Et si l’alcool était halal ?

 

 

C’est la polémique qui  a ébranlé la classe religieuse ces dernières semaines.  Le tunisien Mohammed Talbi, éminent théologien et historien, premier doyen de la Faculté de Lettres de Tunis, soutient que l’alcool serait halal. L’Association Internationale des Musulmans Coraniques, qu’il préside,  a rassemblé dans un article publié en février dernier, un ensemble d’observations concluant à l’absence d’interdiction formelle de l’alcool dans le Coran.  L’alcool serait  donc toléré, seul son abus qui ouvre la voie à l’ivresse serait haram. Pour s’expliquer, Mohamed Talbi était l’invité de l’émission, Liman Yajroo Fakat le samedi 7 mars,  et de Tunisie 24/7 dimanche 8 mars.

Le traitement de sa théorie par la télé tunisienne s’est vu très contesté. Sans chercher à comprendre, les animateurs et les invités ont tourné ces observations à la dérision, et sur le plateau, l’indigence intellectuelle se disputait à l’agressivité. L’homme de 81 ans, qui compte à son actif une cinquantaine de publications, se débattait tant qu’il pouvait, excédé, fatigué aussi, devant un auditoire moqueur, tantôt face à deux imams, tantôt face à deux intellectuels, tous visiblement à cran. Dans Tunisie 24/7, il a fini par refuser de débattre avant de quitter le plateau. Heureusement, pour nous éclairer sur la pensée de Mohammed Talbi, on peut compter sur l’interview qu’il a accordé à Amir Mastouri pour le Mondafrique.com. Interrogé par le journaliste, il assume et confirme sa conclusion : « Dans le Coran, au pire, le vin ou l’alcool sont à éviter,  mais jamais interdits ; la seule interdiction en cette matière est qu’il est prohibé de faire la prière en étant ivre. « Pour se justifier, il se réfère à trois sourates dans lesquelles l’alcool est décrit comme un bienfait : la sourate Mohammed, les Abeilles et les Fraudeurs.

Sourate Mohamed (15) : « Voici la description du Jardin promis à ceux qui craignent Dieu. Il y aura là des fleuves dont l’eau est incorruptible, des fleuves de lait au goût inaltérable, des fleuves de vin, délices pour ceux qui en boivent. »

 Sourate Les Abeilles (67) : « Vous retirez une boisson enivrante et un aliment excellent des fruits des palmiers et des vignes. — Il y a vraiment là un Signe pour un peuple qui comprend ! — »

Sourate Les Fraudeurs (25-28) : « On leur donnera à boire un vin rare, cacheté par un cachet de musc — ceux qui en désirent peuvent le convoiter — et mélangé à l’eau de Tasnim, une eau qui est bue par ceux qui sont proches de Dieu. »

A en croire monsieur Talbi, l’alcool comme toute bonne chose peut être consommée mais avec modération. Néanmoins, à aucun moment il n’encourage sa consommation. La conclusion de l’article publié par l’Association rappelle d’ailleurs, en conclusion,  ses effets néfastes sur la santé. L’interdiction de l’alcool ne serait finalement rien moins qu’un mythe, entretenu par « l’orthodoxie salafito-terroriste » Il appelle les musulmans à lire le Coran d’eux-mêmes, à refuser la médiation parfois falalcieuse d’interprètes auto-proclamés. Il encourage chacun d’entre nous à poser un oeil neuf et libre sur le Coran, qui depuis le 14e siècle n’a fait l’objet d’aucune relecture.

Dès la publication de l’article en février, les dévots et autres commerçants de l’islam n’ont pas tardé à réagir, certains dénonçant l’apostat, d’autres hurlant à la folie. L’imam Férid el Béji ainsi publié ce message sur sa page facebook :

« Nous avons appelé auparavant à ce que Mohamed Talbi soit envoyé en institution psychiatrique, mais nos propos n’ont pas été pris au sérieux »

Mohammed Talbi n’en est pas à son premier coup d’éclat. En 2011, il appelait à « l‘annulation de la Sharia. » Celui qui se défini comme un « penseur libre de l’islam »affirme aujourd’hui faire l’objet de menaces de mort.

Retrouvez l’intégralité de son interview pour le Mondeafrique.com ici

 

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